Marie-Anne Charbonnier a enseigné au lycée Henri IV en tant que professeur de prépa littéraire. Ayant toujours souhaité suivre cette profession, elle a été la plus jeune agrégée de France à vingt et un ans. En quarante-cinq ans de carrière, elle aura été témoin de l’évolution de son métier. Rencontrée plus tôt cette année, elle m’a donné l’autorisation d’écrire un article sur le sujet. 

Qu’est-ce qu’une “prépa” ?

   Il s’agit de deux ans d’étude post-bac de préparation aux concours des grandes écoles, d’où le nom de CPGE (classes préparatoires aux grandes écoles). Il en existe pour de différents domaines : les prépas scientifiques, les littéraires, économiques…

Comment s’organise une prépa littéraire ?

   La première année du cursus se dénomme hypokhâgne. Cette dernière propose un enseignement général et multidisciplinaire, avec comme matières étudiées : français, philosophie, histoire, géographie, langues étrangères (deux), langues et cultures de l’Antiquité et parfois une spécialité artistique (cinéma, musique, théâtre…)

Au terme de cette année d’hypokhâgne, les élèves choisissent une voie à suivre pour leur année de khâgne : lettres classiques, ou lettres modernes. 

Quelles différences entre ces deux classes de khâgne ?

   Un élève de khâgne classique est préparé à l’ENS (école normale supérieure) de Paris Ulm, alors qu’un élève en khâgne moderne vise l’ENS de Lyon. 

De plus, pour la khâgne classique, une étude auparavant optionnelle au latin est dorénavant obligatoire.

Où suivre une prépa littéraire, et comment se déroule cette dernière ?

    Plusieurs lycées présentent ce cursus, partout en France, constitué de “plusieurs disciplines, de beaucoup de savoirs détaillés et d’une formation méthodologique” nous dit Marie-Anne.

L’enseignement comporte des cours, mais aussi de “colles”, c’est-à-dire de passages oraux servant d’entraînement.

On retrouve habituellement des classes très nombreuses: entre quarante et quarante-cinq élèves chacune. 

Comment entrer dans une de ces prépas, et quelles spécialités choisir ? 

   Pour cet enseignement, “c’est l’homogénéité qui est recherchée dans les dossiers des élèves” nous apprend Marie-Anne.

Concernant les spécialités, celles étant littéraires sont à favoriser: par exemple HLP (humanité, littérature, philosophie) ou encore HGGSP (histoire géographie, géopolitique et sciences politiques). 

Les matières touchant les langues vivantes sont également recommandées, que ce soit AMC (anglais monde contemporain) ou LLCER (langues, littératures et civilisations étrangères et régionales). 

La spécialité SES (sciences économiques et sociales) est également envisageable, ainsi que l’option latin, sachant qu’un enseignement à cette langue est présenté en prépa. 

Une fois la prépa finie, quelles portes s’offrent à nous ?

   A la fin de l’année de khâgne, les élèves passent leurs examens d’entrée aux ENS, soit Ulm, soit Lyon, mais il est possible (et conseillé) de postuler auprès d’autres écoles, et d’être pris dans l’une d’entre elles: “par exemple, une école de commerce” donne Marie-Anne, comme exemple.

Certains élèves passent par une prépa littéraire sans même avoir pour objectif une ENS, mais plutôt une école de journalisme, ou même Sciences Po. 

Il est également possible pour un élève de suivre un enseignement à la fac, mais ces deux ans de prépa font qu’il passera instantanément en troisième année dans le domaine qu’il aura choisi.

De même pour un élève souhaitant arrêter son apprentissage après sa première année d’hypokhâgne, ce dernier pourra étudier à la fac et passer directement en deuxième année. 

De ce fait, suivre une prépa n’est pas une perte de temps: quoiqu’il arrive, elle servira tout de même à quelque chose, dans le futur.

Il est également possible pour les élèves de khâgne de “redoubler” leur année, afin de repasser le concours des ENS. 

Y a-t-il de fortes différences d’un lycée à l’autre ?

   Que ce soit à Paris ou dans le reste de la France, il y a de très bons lycées proposant une prépa littéraire à peu près partout ; concernant Bordeaux, le lycée Montaigne, ou Camille-Jullian en sont de bons exemples.

Est-ce très difficile, une prépa ?

   “Contrairement à ce que l’on pourrait tous penser, non, la vie en prépa n’est pas invivable” nous informe Marie-Anne. 

Certes, l’exigence est au rendez-vous, mais cela découle essentiellement du travail personnel attendu des élèves, ces derniers étant très encadrés durant ces deux années. “Il s’agit d’une continuité naturelle du lycée” poursuit Marie-Anne.

Il en est de même pour le système de notation : ce dernier, beaucoup plus sévère qu’auparavant, n’est pas à prendre trop sérieusement. “Il faut surtout prendre en compte les annotations des professeurs et leurs commentaires sur le travail rendu”. 

Un huit ou un neuf sur vingt peut donc être une note suffisante, voire très bonne. Il ne faut donc pas s’attarder seulement sur le chiffre lui-même, qui donne une idée globale du travail.

Une régularité dans le travail personnel ainsi qu’une autonomie de l’élève sont les plus grandes attentes d’une prépa littéraire.

Quels sont les profils attendus ?

   “La plupart du temps, les personnes qui aiment lire, étudier des textes, et dont l’esprit est critique et curieux sont concernées par un enseignement en prépa littéraire” dit Marie-Anne.

Il en est de même pour ceux qui aiment débattre, se questionner sur l’actualité (en philosophie mais aussi en histoire), et surtout “ceux qui aiment travailler,  faire preuve d’autonomie, et nourrir leur culture personnelle”.

Ce genre d’étude permet également de renforcer l’esprit collectif des élèves, lorsqu’il est question de travail de groupe, ou tout simplement d’entraide dans les révisions par exemple.

De plus, ces grandes classes permettent un brassage de beaucoup d’élèves différents, ne venant pas tous des mêmes lycées, ni des mêmes régions.

Je remercie infiniment Marie-Anne Charbonnier de m’avoir accordé cette interview. 

A.B.