Début septembre 2020, le sujet polémique de la “tenue correcte” est revenu sur le devant de la scène. Des élèves d’un lycée de Dax, à l’origine de ce mouvement de contestation, ont été interloqués par une affiche placardée sur les murs de leur établissement scolaire. Cette dernière condamne les tenues trop “courtes”, que ce soit des mini-jupes, ou des crocs-tops.  C’est pour cela que nous avons décidé de nous intéresser directement  au rapport qu’entretiennent les élèves et le personnel éducatif aux vêtements portés au lycée.

Afin d’éclaircir cette question, un sondage a été effectué sur le compte instagram du lycée et nous a permis de mesurer qu’il y a 59% des élèves qui considèrent que chaque tenue est correcte contre 41% qui voient des limites dans la façon selon laquelle il faut s’habiller au lycée. 

Mais qu’en est-il du règlement et d’où vient ce terme de « tenue correcte » ? 

Ce terme est inscrit dans le règlement intérieur du lycée et est utilisé par l’Etat, étant donné que le lycée Pape Clément est public. Le Ministre de l’Education nationale Jean-Michel Blanquer a dit : « Chacun peut comprendre que l’on vient à l’école habillé d’une façon, disons… je dirais républicaine. », sur France Inter. 

Dans ce cadre, nous nous sommes intéressées aux avis des différents acteurs présents au lycée, qui sont mitigés. 

Qui se sent concerné par le code vestimentaire ? 

La position qu’ont les différents acteurs du lycée sur cette question est assez divergente. Concernant les élèves, 88% ne se sentent pas concernés comme le confirme cette lycéenne : « Je viens habillée comme je veux, c’est mes affaires».

Après une interview auprès d’un membre de l’administration et d’une professeure, à qui il a été demandé s’ils se sentaient concernés par un code vestimentaire,  l’un a répondu :« Non, pas du tout » et l’autre :« Non, on ne m’a jamais rien dit au niveau du code vestimentaire ». 

A l’opposé, 12% disent se restreindre ; certains surveillants de la vie scolaire, ont déclaré : “ Oui, totalement, on nous a demandé de nous restreindre, on ne peut pas porter de short par exemple”. 

Venir au lycée en chemise ouverte ou en décolleté ? 

Même si pour 86% des élèves interrogés aucune tenue portée au lycée n’est choquante, 14% d’entre eux restent choqués par certaines tenues. 

Cette question est étroitement liée au rapport hommes-femmes, mais aussi à la pression sociale qui nous conforme inconsciemment. 

Un groupe d’élèves et le personnel administratif interrogés sont d’avis que les tenues dites provocantes ne posent pas de problème. Que ce soit d’une élève : « Cela me choque qu’on dise de certaines filles qu’elles sont provocantes alors que ce sont les garçons qui ne devraient pas les regarder » ou d’un agent de service : « la provocation est relative, qu’est-ce qu’une tenue provocante ? ». 

De plus, un second groupe conseille d’éviter ce genre de tenue par souci de protection et pour éviter des regards trop appuyés et donc une discrimination ou intimidation. 

Un membre du corps médical du lycée nous partage son avis personnel : « J’aurais tendance à éviter de porter des décolletés même si tout dépend de la personne en face ». Un autre nous fait part de sa manière d’intervenir : « Je dis souvent aux filles : quand vous êtes en jupe pensez que quand vous montez les escaliers il y a des gens derrière vous » 

Par ailleurs, bien qu’un élève affirme que : « Les filles en jupes ou en robe courte ne (le) déconcentrent pas »; l’une de ces camarades nous confirme : « Je ne suis pas forcément à l’aise en mettant un débardeur au lycée ».

Existe-il vraiment un code vestimentaire imposé ? 

Bien qu’il n’existe pas de code vestimentaire, 25% d’élèves du lycée se sont déjà fait réprimander à propos de leur tenue alors que 75% d’entre eux n’ont jamais vécu cette expérience. 

Le corps enseignant et les surveillants ont répondu à nos questions. Ils ont été nombreux à dire qu’il n’y a pas de critères particuliers sur lesquels se baser étant donné que le code vestimentaire n’est pas défini et que le terme de tenue correcte est propre à chacun. 

Un surveillant a déclaré : « On n’est pas capable de dire ce qui est correct ou pas », un autre a ajouté :« Il est selon moi anachronique d’imposer un code vestimentaire dans un pays laïque, moderne et démocratique tel que la France ». De plus, une femme travaillant au refectoire a conclu :« Il n’y a pas de bonne ou mauvaise tenue » 

Au contraire, une autre partie du personnel se permet d’intervenir en cas de tenue trop « choquante », afin de protéger les élèves. 

Ils interviennent pour plusieurs raisons : « il faut une tenue adaptée en fonction du lieu » (propos recueillis auprès d’un personnel administratif) ; « il y a des tenues d’élèves qui interpellent » (selon les dires d’une psychologue). 

Les avis diffèrent le plus souvent à propos de deux sujets : le port d’un couvre-chef au sein du lycée ainsi que le regard porté aux tenues dites « provocantes » ou à connotation sexuelle. 

Alors pour ou contre le couvre-chef ? 

Après sondage, on remarque que 67% d’élèves n’ont rien contre le port d’un couvre-chef (bonnet, casquette…) à l’intérieur de l’établissement tandis que 33% d’entre eux sont contre. 

Bien que l’interdiction du port d’un couvre-chef puisse être justifiée dans un but de sécurité (terrorisme…), ce sujet est fortement controversé. 

Rien que parmi les élèves la réponse à cette question est diverse. Un élève affirme que : « Ne pas porter un bonnet en intérieur c’est la civilité. Ça peut paraître vieux, mais nous pouvons garder certaines traditions. »; d’autres pensent que : « Les casquettes, bonnets, capuches doivent être enlevés dans les bâtiments ; c’est aussi incorrect 

que les habits courts, c’est de l’irrespect. ». Cependant les élèves restent assez ouverts et modérés à ce sujet : « Par politesse c’est une règle compréhensible mais je ne vois pas d’inconvénient à le porter tant que le visage n’est pas caché. ». 

Ces paroles rapportées d’élèves prouvent la diversité des avis. Quant au personnel du lycée, il ne se positionne généralement pas et précise qu’il y a surement des raisons à cela mais qu’elles leur sont inconnues. Cependant, l’un d’entre eux a donné un avis clair : 

« Je n’ai jamais compris pourquoi on interdisait de porter par exemple … des bonnets (…) un élève par exemple avait le cancer, il avait le droit de porter une casquette, alors on ne voyait plus que lui ce qui est étrange » 

Ces restrictions peuvent en effet créer des disparités entre élèves dans certains cas. 

Le saviez-vous ? 

�� Certaines manières de s’habiller ont des significations très précises. Par exemple, porter un baggy (une ancienne mode) signifiait en prison que l’on était « open », donc ouvert sexuellement aux autres détenus. 

D’autre part, remonter son pantalon sur un des deux mollets (une autre mode) était la marque des esclaves. Ils ne pouvaient le porter « normalement » à cause de la chaîne autour de leur cheville. 

�� On parle d’uniforme dans un souci d’égalité et de parité alors que, d’après un membre du personnel interviewé, il existe des différences entre les tissus de ces uniformes qui indiquent, en fonction de la matière de ce tissu, la classe sociale de l’individu. 

Pour finir… 

La manière dont on s’habille peut-être un moyen d’expression bien qu’il perde de l’importance ces dernières années. A la suite de ces observations, on voit clairement que de moins en moins d’élèves se démarquent des autres par leurs vêtements; ce qui est dû à la pression sociale qui pousse les élèves à s’habiller en fonction des critères. Au cours de l’Histoire, certains se sont battus pour réduire les discriminations liées aux apparences. C’est pourquoi, dans ce cas précis, les libertés d’expression et de choix restent précieuses et doivent être entendues. Avec cet ensemble d’éléments, nous pouvons affirmer que le code vestimentaire au lycée est un débat houleux et persistant. Notamment dû à l’absence d’une réelle définition de la “tenue correcte”.

Les statistiques utilisées dans cet article sont extraites d’un sondage d’un effectif potentiel de 300 lycéens. Les témoignages rapportés dans cet article ont été prélevés sur 15 personnes. 

C.B. et J.G.