En juin 2021, se sont tenues les élections départementales et régionales. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur le département, une des deux collectivités territoriales concernées par ce scrutin. Entretien avec Sébastien Saint-Pasteur, conseiller départemental du canton Pessac II.

Si nous lui demandons de définir l’institution dans laquelle il est élu, Sébastien Saint-Pasteur, conseiller départemental, répondra sans hésiter que le département est « une collectivité territoriale qui agit principalement sur la solidarité, l’aide apportée aux personnes en situation de fragilité, qu’il s’agisse de personnes ayant un handicap, de personnes âgées, de jeunes via l’aide sociale à l’enfance, ou encore de personnes fragiles économiquement touchant le RSA [Revenu de Solidarité Active, NDLR], un minima social ». C’est avec grand plaisir qu’il a accepté l’invitation du Pap’ pour évoquer l’action départementale, dans le but d’avoir un regard avisé sur cette collectivité en vue des prochaines élections.

Le département au cœur de la crise sanitaire

Impossible d’évoquer le conseil départemental en plein troisième confinement sans parler de son rôle dans la crise liée à la Covid-19. Président de la commission Politique du Handicap et de l’Inclusion, Sébastien Saint-Pasteur explique qu’il a « une responsabilité dans la question de l’accompagnement des personnes en situation de handicap. » Il faut savoir que la Maison départementale des Personnes Handicapées (MDPH), qui gère les demandes concernant les handicaps, concerne un habitant sur douze en Gironde. « Le défi était de mettre en place la continuité d’activité pour que ce service continue. Le confinement et la distance rendaient difficile le travail collectif : il fallait répondre à la fermeture des établissements spécialisés. Il fallait également gérer la continuité d’activité dans les collèges, le soutien aux plus fragiles, ainsi que l’action de solidarité auprès des étudiants ».

    « La crise accélère les inégalités »

Sébastien Saint-Pasteur

Il est déjà possible de dresser un bilan sur les conséquences de la crise sanitaire sur les plus fragiles. « La situation a empiré, regrette l’élu. Pour les allocataires du RSA, la crise économique a noirci leurs perspectives. Pour les jeunes étudiants, la fragilité de leur santé mentale s’est aggravée. En d’autres termes, la crise accélère les inégalités. Dans les collèges, les élèves les plus fragiles ont décroché. En ce qui concerne le handicap, des enfants n’étaient plus accueillis dans des centres spécialisés : ils restaient chez eux, ce qui était une source de stress et de fatigue pour leurs familles. Enfin, dans les EHPAD [Établissements d’Accueil pour Personnes Âgées Dépendantes, NDLR], nous étions parfois à la limite de la dignité humaine, avec des mesures de confinement strictes. » Cette situation a été notamment relayée par les médias.

En ce qui concerne la vaccination, le département est là aussi au cœur du dispositif. « La solidarité territoriale est une autre mission importante du département » rappelle Sébastien Saint-Pasteur. « Notre rôle est de vérifier qu’il y ait le plus d’égalité possible. Nous déployons la vaccination au plus près des gens, notamment auprès des plus fragiles et de ceux qui ne sont plus capables de se déplacer. C’est par exemple le vaccibus. Mais nous restons tributaires des doses » reconnaît le conseiller départemental. 

Le surcoût lié à la crise sanitaire est pour l’instant chiffré à 94 millions d’euros pour le département. Il a principalement concerné des aides, pour l’achat de masques, le soutien aux services d’aide à domicile, ainsi que pour épauler l’ARS pour détecter les clusters dans les EHPAD. « Nous avons maintenu les subventions culturelles, même si les manifestations ont été annulées. » Mais les finances vont pâtir d’une perte de recettes, l’argent collecté par le département. « Nous avons la chance d’avoir une collectivité bien gérée. Le budget suit un principe annuel [il est fixé sur une année, NDLR]. Nous sommes donc sur des temps décalés, et nous ne connaissons pas encore précisément l’impact de la crise sur les finances. Nous aurons des sueurs froides l’année prochaine. »

Le plan collège « ambitieux » de 100 millions d’euros pourrait pâtir de la crise. Les ambitions pourraient être revues – sûrement à la baisse – « en fonction des recettes et de la reprise économique ».

En l’état actuel des choses, « aucune hausse d’impôt n’est prévue ». Il faut savoir que la fiscalité est adossée sur la part départementale dans la taxe foncière – 17% en Gironde. « Nous sommes le 34ème département sur 100 pour le taux. » Cependant, la réforme qui conduit en 2021 à la suppression de la taxe d’habitation change la donne. La part autrefois réservée aux départements va être reversée aux communes pour compenser la perte de la taxe d’habitation. Les départements auront quant à eux une compensation sur la TVA, fixée par l’État. Là où le département avait la possibilité d’augmenter ou de baisser les impôts et d’en être responsable devant le citoyen (qui pouvait approuver ou désapprouver ces augmentations par le vote), il voit désormais ses marges de manœuvre réduites. « Il risque d’y avoir moins de sens donné à l’argent récolté » indique Sébastien Saint-Pasteur.

De nouveaux enjeux à venir pour le département

L’action du département de la Gironde est confrontée à de nouveaux enjeux, et en premier lieu celui d’impliquer directement les citoyens, et en particulier les jeunes, dans la démocratie. En décembre dernier ont été révélés les lauréats du premier budget participatif girondin. Cet outil de démocratie participative « est une réussite » se réjouit le conseiller. « Notre choix, pleinement assumé, était de dédier ce budget exclusivement aux jeunes ». Il s’agit d’une première en France. « C’est un outil de réponse aux marches pour le climat. Le pari était de donner un moyen aux jeunes de faire bouger les choses, notamment par la résilience ». Alors que Le Pap’ soulignait un taux de participation relatif à l’échelle départementale – moins d’un pourcent de la population – l’élu trouve que cela n’est « pas si mal, 11 446 votants, pour une première. Ce projet a créé de l’adhésion. Il faut que cela s’inscrive dans la durée. Nous espérons pour la deuxième édition une logique vertueuse, et une meilleure visibilité. » 

Il y a néanmoins des points faibles à ces types de projets. « Seuls ceux qui sont déjà très impliqués savent qu’il y a un budget participatif. Ceux qui sont en rupture avec la démocratie ne sont pas au courant de ce type de projet. Le défi est d’intégrer tout le monde. » Quoi qu’il en soit, la démocratie participative sera à l’avenir un outil privilégié.

Ce budget participatif rappelle l’importance du développement durable, et la transition écologique est amorcée en Gironde. « La consommation des collèges en électricité et en gaz a baissé de 20%. L’alimentation biologique se développe dans les cantines. Nous protégeons les espaces naturels sensibles, soit plus d’un millier d’hectares. Nous développons également les pistes cyclables et le covoiturage pour tendre vers la stratégie bas carbone. »

« Nous voulons tendre vers la stratégie bas carbone »

Sébastien Saint-Pasteur

Un enjeu reste également de taille : la méconnaissance des collectivités territoriales par la population. « Il ne vaut mieux pas entendre parler du département, assure Sébastien Saint-Pasteur, puisque nous nous occupons de ceux qui ont perdu un emploi via le RSA, de ceux qui ont eu des accidents, des enfants en situation familiale difficile via l’aide sociale à l’enfance, et des personnes âgées en perte d’autonomie. Si vous n’entendez pas parler du département, cela signifie que vous êtes en bonne santé. » La crise démocratique a engagé une coresponsabilité des usagers du service public : les citoyens sont désormais associés aux prises de décisions des dispositifs mis en place par l’institution départementale et ainsi « prennent connaissance des contraintes ».

Le Qui-Fait-Quoi entre les mairies, les départements et les métropoles – le fameux mille-feuilles administratif français – accroît ce que l’on pourrait appeler une rupture entre les citoyens et les collectivités territoriales. « Il faut savoir s’informer » explique le conseiller départemental. Mais il n’est pas pour autant favorable à une disparition de l’une des collectivités. « Je crois plutôt à une clarification. Les collectivités devraient faire moins de choses et rester centrées sur leurs compétences, à savoir le département sur la solidarité, la région sur l’économie et les transports, et la ville sur le quotidien, même si tout ne rentre pas dans des cases. Par exemple, aider les étudiants est-il du ressort des régions qui s’occupent de l’enseignement supérieur, ou alors un problème de santé et de solidarité qui relève quant à lui du département ? » Le mille-feuilles administratif français a donc de beaux jours devant lui.

« C’est à nous de faire l’équilibre, de faire une Gironde équilibrée »

Sébastien Saint-Pasteur

Si l’on peut tirer un bilan sur la période 2015 – 2021, on notera qu’il y a entre 20 000 et 25 000 nouveaux habitants par an, occasionnant des problèmes tels que les hausses d’effectifs dans les collèges, l’augmentation du besoin d’accompagnement des plus fragiles, et des besoins en immobilier. « Nous devons nous occuper de tous les territoires. C’est à nous de faire l’équilibre, de faire une Gironde équilibrée qui fait face aux changements à venir. Notre défi est de gérer cette croissance démographique ». Toujours dans le but d’assurer l’équilibre des territoires, le département a mis en œuvre le plan « Gironde Haut Méga » qui a pour but d’amener la fibre optique à chaque foyer girondin. « Aujourd’hui, l’accès au haut débit est presque devenu un service public. Il s’agit d’un besoin quotidien majeur pour le travail, les études, l’accès à la culture. Cela contribue à l’attractivité de nos territoires pour les entreprises » explique Sébastien Saint-Pasteur. Fin 2020, 100 000 prises ont été connectées. D’ici 6 ans, à travers quelques 1425 chantiers, 466 000 nouveaux foyers auront accès à la fibre. « Il s’agit d’un investissement total de 740 millions d’euros, dont 115 millions viennent de subventions d’investissement de la région et de l’État. »

Après une victoire éclatante que aux élections départementales de juin, Monsieur Saint Pasteur a continué ses activités de conseiller départemental.

R.T.

Note : Cet article est publié bien après les récentes élections départementales et régionales. En effet, le Pap’ se doit de rester neutre, et une publication avant les élections aurait pu avoir une influence sur le choix d’éventuels électeurs.