« L’affaire est suivie comme un feuilleton ! ». Ce fait divers du début du XXème siècle met en accusation une prénommée Henriette-Blanche Canaby. Le jugement de cette affaire est ouvert au grand public et aux médias et même le célèbre écrivain François Mauriac assiste aux audiences. L’affaire Canaby lui servira d’inspiration pour écrire quelques années plus tard Thérèse Desqueyroux.
Le 16 juin 1905, Henriette Blanche Canaby, issue du quartier bourgeois des Chartrons à Bordeaux, est accusée d’une tentative d’empoisonnement à l’arsenic sur son mari Emile Canaby, négociateur de vins, auquel les médecins diagnostiquent au départ une grippe infectieuse. Elle est également fortement soupçonnée d’adultère.
Tout commence avec la plainte du médecin R. Gaube pour délivrance de produits dangereux au nom de Mme Canaby : l’aconitine et la digitaline, à la suite de la communication d’une ordonnance suspecte à son nom, détenue par M. Roussel, pharmacien. Le 25 mai 1906, Madame Canaby, alors quadragénaire, est jugée au Palais de Justice de Bordeaux.
Fausse ordonnance signée par le Dr. Gaube destinée à Henriette Canaby 1905
Lors de son procès sont présents : le médecin et le pharmacien, ainsi que l’accusée Henriette Blanche Canaby accompagnée et soutenue par son mari Emile Canaby à la grande surprise du public. Certains soupçonnent que son mari soit intervenu en sa faveur pour faire taire les rumeurs sur sa famille et étouffer l’affaire qui déballe leurs problèmes conjugaux dans la France entière. Elle est également défendue par son père, sa belle-mère et par l’avocat réputé Maître Peyrecave dont « le talent [est] tel qu’il arrive à faire pleurer les gendarmes pendant ses plaidoiries » selon François Mauriac. Après plusieurs consultations menées par différents médecins pour vérifier l’état du mari, les médecins ont diagnostiqué chez Emile Canaby une polynévrite par intoxication chronique à l’arsenic. Des graphologues ont également interprété l’écriture présente sur l’ordonnance du pharmacien désignant Henriette Blanche Canaby comme autrice du faux en écriture. Elle est jusqu’alors qualifiée comme « l’empoisonneuse des Chartrons ».
Cependant, le jugement qu’on lui porte change quand son mari indique avoir pris de la liqueur de Fowler sur plusieurs années. Une liqueur à base d’arsenic couramment utilisée par lui-même et sa famille pour se requinquer.
Henriette Blanche Canaby finit par être acquittée pour crime d’empoisonnement mais est toutefois inculpée pour faux et usage de faux. Elle est condamnée à 15 mois d’emprisonnement à la prison du Hâ, dans les actuels locaux de l’Ecole Nationale de la Magistrature à Bordeaux (ENM). Après sa libération, elle quitte son mari, part à Paris et revient en Gironde en 1936 pour vivre avec sa sœur à Cambes. Henriette Blanche Canaby meurt le 31 octobre 1952 à 86 ans.
Est-elle coupable ou innocente ?
La culpabilité d’Henriette Blanche Canaby est remise en question à travers le roman de François Mauriac : Thérèse Desqueyroux. Il donne une perception différente sur cette affaire et sur Mme Canaby à travers le personnage de Thérèse. François Mauriac éveille la pitié chez le grand public, montre l’orpheline prédestinée à un mariage forcé, désireuse de s’émanciper dans une société bourgeoise et patriarcale. Ce qui fait de cette affaire un fait de société.
A.C–L
Sources :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9r%C3%A8se_Desqueyroux
https://journals.openedition.org/abpo/157
Image en tête d’article : photo de François Mauriac (https://commons.wikimedia.org/)