L’exploitation minière en eau profonde ou la nouvelle idée des industries pour détruire la planète. 

Le 2 décembre 2024, la Norvège a rendu sa décision selon laquelle aucun permis d’exploitation minière en eau profonde ne sera délivré en 2025. Mais quelle est la réelle signification de cette décision ? Et pourquoi est-ce si important ?

Le «deep-sea mining» ou exploitation minière en eau profonde, est une pratique consistant à « racler » les fonds marins avec d’énormes machines (comparables à des moissonneuses-batteuses) pour récupérer des métaux rares, utiles à la fabrication de nos smartphones, par exemple. Ces métaux (manganèse, cobalt, nickel, etc) gisent au fond des plaines abyssales sous forme de petits nodules et serviront principalement à produire des batteries. Ces gisements attirent les industriels depuis longtemps, mais ce sont des avancées technologiques récentes qui ont rendu possible l’accès à ces endroits reculés.

L’océan profond, notre écosystème le plus vaste, est pourtant celui qui est le moins étudié. D’ailleurs, la surface de la Lune est aujourd’hui mieux cartographiée que les fonds de l’océan. Sur notre « planète bleue”, l’océan représente 71% de la surface et on estime qu’il absorbe 93% de l’excès de chaleur présent dans l’atmosphère. L’océan profond (à partir de 4km sous la surface de l’eau) renferme entre 500 000 et 10M d’espèces, dont seulement 240 000 ont été répertoriées. Cependant, la biodiversité abyssale est peu résiliente car elle a évolué très lentement pendant des millions d’années de façon protégée des humains. Les scientifiques estiment que les écosystèmes profonds ne se remettront jamais de l’exploitation minière.  

En plus de mettre en danger les fonds marins, cette pratique pollue également l’eau en surface. Il est aujourd’hui très clair que cette industrie en développement menace notre plus grande réserve de carbone et de biodiversité : l’océan. Des études scientifiques ont permis d’établir les principaux risques que comporte le deep-sea mining : 

· les pollutions chimiques, sonores et visuelle qui perturberaient des espèces qui ne sont absolument pas habituées aux activités humaines

· la remise en suspension de sédiments qui modifierait l’équilibre de tout l’écosystème local

· le réchauffement de l’océan dû au mélange de couches d’eau plus ou moins froide à cause des turbulences créées par les machines 

· la libération du carbone stocké par les sédiments qui retournerait en suspension et perturberait la biogéochimie (les bactéries) du sol. 

· l’extinction d’espèces que, pour le plupart, nous ne connaissons pas encore 

· la pollution aux élément radioactifs puisque les taux de radioactivité dans les nodules sont largement supérieurs à ceux assimilables par notre organisme 

L’exploitation minière en eau profonde comporte donc énormément de risques, à la fois pour la biodiversité marine et l’environnement. 

Depuis des années maintenant, les industries minières font face à une vague d’opposition internationale croissante. 765 scientifiques expert·e·s des fonds marins ont appelé les gouvernements du monde entier à créer un moratoire international sur le deep-sea mining (décision légale qui suspendrait provisoirement les effets de certaines obligations légales). Un moratoire permettrait de donner plus de temps aux scientifiques pour en apprendre plus sur l’océan profond, de s’assurer que les opérations ne causeraient pas de dommages aux écosystèmes et d’être sûr que rien ne débute de façon prématurée. Cette initiative a été soutenue par le Parlement Européen qui a appelé les États européens à rejoindre le moratoire le 7 février 2024. De plus, l’Union Internationale de Conservation de la Nature a appelé les États membres de l’AIFM (l’Autorité internationale des fonds marins), un organisme intergouvernemental autonome qui organise et contrôle toutes les activités relatives aux ressources minérales des fonds marins, hors des juridictions nationales, à s’opposer à cette pratique. 

Aujourd’hui, 32 pays sont officiellement opposés au deep-sea mining, comme par exemple la France, la Finlande, le Portugal, le Brésil mais aussi les plus petits Etats du Pacifique tels que Samoa, Fidji ou Palau, qui seraient les premiers réellement impactés par l’exploitation minière des fonds marins. Il est important de noter que de tels engagements ont notamment été rendus possible grâce à l’engagement massif des médias, de la société civile et des associations et ONG.


Pour en revenir à la Norvège, cet État était depuis longtemps l’un des plus ouverts à l’exploitation minière. Ces derniers mois, le gouvernement a multiplié les annonces et les prises de positions en faveur de cette industrie, qui lui permettrait notamment de ne plus être dépendante de la Chine pour l’approvisionnement en matériaux. Cet été, la Norvège avait décidé d’accélérer l’ouverture d’immenses zones de l’Antarctique à l’exploitation minière en eau profonde, agissant ainsi contre les recommandations de la communauté scientifique et de l’Agence norvégienne pour l’environnement. La Commission européenne l’a également mise en garde contre ce projet en montrant sa forte opposition. Finalement, après des mois de négociations, de lobbying et de mobilisation intense de la part d’activistes du monde entier, il n’y aura pas de contrats d’exploitation délivrés par la Norvège en 2025. Cette victoire historique a également été rendue possible par le Parti Socialiste norvégien qui a fait de cette affaire la ligne rouge des négociations. 

Le 2 décembre dernier, des activistes, des scientifiques et des citoyens engagés ont prouvé que l’activisme marche et peut véritablement changer les choses. Cela nous montre que même face à des géants de l’industrie, la mobilisation collective et l’engagement citoyen ont un impact concret. Aujourd’hui, le combat contre l’exploitation minière en eau profonde continue, mais ce succès doit rester comme un symbole d’espoir, un signe que lorsque nous agissons ensemble, nous avons le pouvoir de faire la différence.

C.B.

Sources :

https://www.bbc.com/news/articles/c9wlj8l8kr7o.amp

https://www.actu-transport-logistique.fr/lantenne/la-norvege-pourrait-etre-lun-des-premiers-pays-a-autoriser-lexploitation-miniere-sous-marine-906037.php

https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/revers-pour-les-opposants-a-l-exploitation-miniere-des-fonds-marins_179908.amp

https://www.actu-transport-logistique.fr/lantenne/matieres-premieres/extraction-miniere-sous-marine-la-norvege-lance-une-phase-dexploration-914014.php

https://lareleveetlapeste.fr/la-norvege-suspend-lexploitation-miniere-dans-locean-arctique-une-victoire-cruciale

https://www.wri.org/insights/deep-sea-mining-explained

https://www.mnhn.fr/fr/le-deep-sea-mining-un-danger-pour-l-ocean-profond